Il y a presque un an, j’écrivais mon tout premier article sur Medium : j’ai 24 ans, je suis au chômage mais je vais bien ! C’est à cette période que je décide de me lancer en indépendante. La vérité, c’est que j’avais tellement la trouille que j’aurais sauté sans hésiter sur le premier CDI proposé ! Je n’aurais pas imaginé qu’à peine un an plus tard, j’allai en refuser un. Mais alors, qu’est-ce qui a changé en seulement une petite année ?

1. J’ai décidé de persévérer

Mon âme de slasheuse m’a souvent desservie. Car si j’aime multiplier les expériences et les connaissances, j’ai beaucoup de mal à aller au bout des choses. Je suis de ceux qui préfèrent les débuts de projets, stimulée par l’excitation de la nouveauté. Le résultat, j’aime l’imaginer, le fantasmer. Mais quand le moment vient où il faut s’atteler au long chemin vers ce succès, je ne trouve plus ça aussi sympa.

J’ai cette fois-ci décidé que mon désir de devenir indépendante en valait la peine et c’est une nouvelle expérience en tant que salariée qui m’a permis d’avoir cette prise de conscience. Les premiers mois de ma toute nouvelle vie d’indépendante sont plutôt cool. J’ai des petites missions à droite à gauche que j’obtiens sans jamais avoir à démarcher. J’accepte les missions pour lesquelles je me sens à l’aise, je refuse celles qui me font peur car je ne suis pas certaine d’assurer. En d’autres termes, je reste dans ma zone de confort.

Il m’a fallu du temps avant d’oser m’affirmer. Je pratique pendant longtemps des tarifs en dessous de la moyenne parce que je veux avant tout trouver des clients et que je suis angoissée à l’idée qu’on me dise « Vous êtes beaucoup trop chère ! ». Alors forcément, je gagne un peu d’argent mais sans le chômage, il ne peut en aucun cas me permettre de m’assumer financièrement. J’avais certes le statut d’indépendante, mais je ne l’étais pas encore.

En mars, je commence à paniquer à cause de l’aspect financier. Je me convaincs de nouveau que je ne vais pas y arriver. Je fais partie de ceux qui se trouvent des excuses pour ne pas avancer. Qui se disent « Une fois que… alors je pourrai vraiment m’y mettre ! ». On attend le moment parfait pour commencer à vivre véritablement sa vie. Mais on ne cesse jamais de donner une nouvelle définition à cette perfection. Alors ça ne commence jamais.

Fin mars, je me trouve un nouveau projet. Je décide que je veux devenir libraire. Je le deviens deux semaines plus tard dans l’une des plus grandes librairies de Paris. Je commence avec un CDD de 3 mois. Si on met de côté le fait que je ne suis pas enthousiasmée à l’idée d’avoir un chef, un cadre et des horaires fixes, c’est une super expérience que je ne regrette pas du tout d’avoir vécu. Pourtant 3 mois plus tard, je dis « non merci » à un CDI. Le retour éphémère au salariat me fait prendre conscience que les inconvénients du statut d’indépendant pèsent finalement peu dans la balance de ce que je veux pour mon futur.

2. J’ai pris conscience que mon temps n’avait pas de prix

Ou s’il doit avoir un prix, je veux pouvoir le fixer par moi-même. Moi qui voulais reprendre un travail salarié parce que je trouvais que c’était le choix « raisonnable », je me rends vite compte que ce n’est ni la seule solution, ni la bonne solution pour moi. J’ai certes un salaire fixe à la fin du mois, mais je le trouve bien dérisoire en comparaison à tout ce que je dois sacrifier pour l’avoir : mon temps, ma liberté. Il m’est en plus impossible de ne pas comparer avec ce que je gagnais en indépendante. Je gagnais plus par mois en tant que libraire, mais je gagnais 4 à 5 fois plus en taux horaire comme rédactrice freelance.

Dans mon esprit, ce nouveau boulot aurait dû me servir de tremplin : je travaille la semaine, j’économise et à côté de ça, je peux continuer de développer mes services de rédactrice et de biographe privée… Ce qu’il s’est vraiment passé ? J’ai presque stoppé mes activités pendant ces 3 mois.

Passer 35 heures par semaine au même endroit, avec les mêmes horaires et juste une petite heure pour déjeuner, ce n’est décidément pas fait pour moi. Et cela même si le métier de libraire m’apporte une grande richesse intellectuelle et que mes collègues sont passionnants et géniaux avec moi. Mais cela ne suffit pas à effacer ma hantise du temps qui passe. Même si je passe le premier mois des étoiles pleins les yeux, stimulée par ce nouveau challenge, je sais dès la cinquième semaine qu’il y a peu de chances que je reste.

La rédaction de cet article vient de m’aider à formuler l’une des choses qui me pousse vers le statut indépendant : j’ai peur du temps qui passe, alors je veux pouvoir le contrôler.

Je ne veux pas que mes journées soient dictées par un planning que je n’ai pas fait moi-même. Je ne veux pas avoir à demander à quelqu’un l’autorisation de partir en vacances. Je veux pouvoir gérer mon temps et définir mes priorités. Pouvoir me dire que là oui, c’est un moment pour travailler mais que tiens demain, je peux aller voir ce vieux film au cinéma qui ne passe qu’une fois, jeudi à 15 heures. Cette séance du jeudi après-midi vaut la peine de persévérer. C’est ce que j’appelle la liberté.

3. J’ai décidé d’assumer mes choix

 J’écris le plus fréquemment possible dans un journal pour parler de tout et de rien, pour écrire ce qui me passe par la tête. C’est une routine qui peut paraître anodine mais c’est sur la durée qu’elle peut trouver son intérêt puisque l’écriture permet de prendre du recul. Cela fonctionne en tout cas pour moi. Voilà ce que j’ai écrit dans mon journal, le 27 mai dernier :

« Je crois que ce qui me plaît aussi dans ce nouveau métier, c’est l’effet qu’il fait lorsqu’on me demande ce que je fais. Un libraire, tout le monde sait ce que c’est. Il n’y a pas à détailler, pas à se justifier. Mais ce statut valorisant est-il une motivation suffisante pour rester enfermée 35h par semaine et ne plus avoir le contrôle sur ma propre vie ? Je pose des questions dont je connais, en fait, déjà les réponses. Les mettre à l’écrit m’aide à les comprendre. »

En relisant ces lignes écrites il y a deux mois, je me sens rassurée. Je ne saurai jamais si j’ai bien fait de refuser ce CDI. Je sais seulement que c’était la meilleure décision à prendre pour rester en harmonie avec mes valeurs et que l’obtention d’un CDI n’est plus pour moi synonyme de réussite professionnelle et personnelle.

En ce qui concerne cette notion de « statut » qui me plaisait tant, j’ai décidé que c’était mon propre état d’esprit qui devait évoluer. Il faudra encore du temps pour que le freelancing soit perçu comme une véritable forme de travail. « T’es un peu en vacances en fait », « T’as encore changé de boulot ? Faut suivre avec toi ! », « Heureusement que tu as Pôle Emploi quand même » … Ces phrases auxquelles je voulais échapper car elles atteignent mon égo sont finalement rarement dites méchamment. Elles sont simplement le reflet d’une sincère incompréhension qui disparaîtra, je le crois, avec les générations à venir. Quoi qu’il en soit, je décide de ne plus les prendre contre moi et, si nécessaire, d’expliquer mes choix aux curieux. Bien que pour moi, une personne ne se définit pas par ce qu’elle fait mais par ce qu’elle est.

J’ai 25 ans, j’ai refusé un CDI et je vais toujours bien !